(Attention, ce texte est putain de long !!)
Depuis ce jour où vous m’avez annoncé que ma douleur avait le nom d’une maladie, depuis ce moment où vous avez fait résonner ces mots dans ma tête, les choses semblent changer. Tu ne t’en souviens sûrement pas, mais moi, j’avais encore mon petit peignoir ouvert sur mon cul – medical trend – j’étais encore coincée dans ce simili vestiaire de piscine – que vous appelez subtilement cabine d’attente…- et tu m’annonces, avec autant de délicatesse que de rapidité, que j’ai une forme d’endométriose et un kyste hémorragique. Je me souviendrais à vie de ton visage. Toi non. Pourtant, j’ai blagué, souri, raconté des conneries, fait comme si ça ne me touchait pas alors que mon moi profond avait juste envie de hurler, de pleurer et de casser l’intégralité de ton cabinet. Je ne sais pas comment j’ai réussi à taper le code de ma carte bleue ( on en parle d’ailleurs de la précarité quand tu te frappes 100€ d’IRM ?). Je ne sais pas comment je suis rentrée de Villeurbanne à Lyon. À pieds, oui ça je m’en rappelle. Je ne sais pas pourquoi j’ai acheté 20€ de viennoiseries, je n’avais pas faim. Juste envie de vomir. Je me rappelle que ma Maman donnait tout pour me rassurer au téléphone. Mais je ne me rappelle pas de ses mots. J’ai passé 3 jours à nier cette putain d’annonce. Je l’ai engloutie sous des blagues, des faux-semblants, du vin et des planches charcut’-fromages. Et tout le monde y a cru.
Et puis je me suis plongée dans la maladie. Chaque matin, je me répétais son nom – Adénomyose pour ma part. Mais en boucle. Je découpais les sons, les syllabes, je la visualisais. Je me l’appropriais puisque c’était ma nouvelle compagne à vie. Au quotidien. He oue parce que la magie de cette maladie, c’est qu’elle est super fidèle. Du coup, quitte à la connaître, j’ai voulu déceler ses moindres défauts. J’ai lu. Beaucoup. Sur Internet. J’ai échangé. Beaucoup. Sur Internet. Et j’en ai tiré plusieurs constats que j’avais à coeur de vous partager. Âmes sensibles, abstenez-vous de lire la suite, je décline toute responsabilité quant à une défaillance de votre part.
■ Il faut 7 ans en moyenne pour détecter une endométriose. Pour une fois dans ma vie, chui grave dans la moyenne !!! Ça n’empêche que c’est trop. Que ça fait 7 ans que je me débats toute seule avec une douleur qui me paraissait honteuse. Fuck la honte, si la douleur fait partie de votre quotidien, trouvez le médecin qui l’écoutera et changez au besoin..
■Cette maladie est QUOTIDIENNE. On dit chronique, même. Moi, quand je lisais en diagonale les témoignages de Lena Dunham je pensais que c’était « la maladie des règles ». Genre 1 fois par mois, tu douilles et c’est bon. Eh ben non !!!! En détail, je me frappe des règles hemorragiques pendant 5 jours. Pour te donner un ordre d’idée : une serviette hygiénique nuit me fait 2 heures (non, je ne dors pas quand j’ai mes règles), je sens le flux et les caillots de sang toute la journée et je prends des anti-hémorragiques au quotidien (Phosphorus 9ch en dose pour les concernées). Je te laisse imaginer comment ça se gère socialement : au boulot, c’est l’angoisse. Tu prends un verre avec des amis, c’est l’angoisse. Du coup, tu annules et oublies les week-ends à l’extérieur en dehors de chez toi. Tu trouves des excuses pourries pour éviter les soirées entre potes. Tu oublies le rock n roll et l’imprévu.
■Donc au-delà de cet aspect merveilleux, au quotidien, pour te la faire simple, je deale avec une inflammation située dans le bas-ventre. Une envie de pisser trop prenante, je douille. Un effort imprévu, je douille. Mais je souris. Pour que tu le voies pas.
■Le premier truc qu’on te dit c’est que la bouffe a un lien direct sur cette inflammation. Donc qu’il faut éviter : sucres, alcool, lactose, charcut, viandes, voire gluten… Euh. Si tu me suis un peu sur les réseaux, tu imagines bien que ma plus grande claquasse vient de là : mais il reste quoi ????!!! Bref. Je pleure encore là-dessus, je vous reviendrai avec des solutions et des recettes, promis.
■ Un des trucs qu’on te demande quand on t’annonce cette maladie, c’est « vous voulez des enfants? ». Je pense que j’ai soulagé la Docteure quand j’ai répondu non : yeah, une prescription d’anti-dépresseurs en moins. Parce que oue, cette maladie contrecarre grandement tout projet enfantin. Alors j’ai un appel global et solennel à vous lancer Mesdames : Arrêtez de demander aux femmes pourquoi elles ne font pas d’enfants. C’est culpabilisant et difficile à expliquer en société. Abstenez-vous, vous sauverez la soirée de plusieurs femmes.
■ En parlant de culpabilité, j’ai d’autres demandes. L’endométriose implique donc une inflammation de la zone utérine et donc des douleurs durant les rapports. J’en étais arrivée à un point où je redoutais l’acte parce que je savais, qu’inévitablement, ça allait être douloureux. Au bout d’un certain temps, à moins d’être maso -mais c’est une autre histoire- fatalement, tu espaces les rapports. Je connais des couples qui se sont séparés parce que la femme ne savait pas, n’osait pas expliquer et l’homme ne comprenait pas. Discutez-en, les mecs, soyez à l’écoute aussi. Mais au-delà de ça, les copines aussi, soyez à l’écoute… !!! « Un ptit coup de queue » n’a jamais été salvateur et cette malheureuse phrase ne fait qu’accentuer l’isolement qu’on ressent.
■ Autre culpabilité, qui vient encore des nanas : vos putains d’histoires de gestion du flux, genre je mets pas de protection et je gère. Top ! Tant mieux pour toi ! Mais moi, pendant des années, tu m’as fait culpabiliser parce que moi je passe un paquet complet de serviettes nuit par jour !!! (Oue si tu fais le compte, ça me côute au minimum 30 balles par mois. On reparle de la précarité?)
■ La fatigue. Les hormones. Un joyeux mix des deux. Jte fais pas de dessin sur la fatigue : je perds des litres de sang-parfois tous les 15 jours- et je dois garder la même cadence et le même sourire. Du coup, anémie. Et moi, pour combattre l’anémie, je bouffe du foie de veau (j’avais dit aux âmes sensibles de s’abstenir). Mais jte rappelle, je dois éviter la viande rouge : dilemme… Niveau hormones, tu vois comment c’est chiant quand tu as des règles normales, he ben tu ajoutes un dérèglement de ça et tu obtiens une Helka qui pleure devant The Voice Kids. Dans le meilleur des cas. Parce qu’en fait, ça te plombe beaucoup plus. Mais je garde le sourire. Mais je fatigue.
■ Je vais finir sur l’isolement. C’est IMPOSSIBLE de comprendre une maladie tant que tu ne la vis pas. C’est IMPOSSIBLE de comprendre le handicap quotidien. C’est IMPOSSIBLE de comprendre la douleur de quelqu’un d’autre. Même si tu as une empathie puissance 10. Avant de connaître ces douleurs et de mettre un mot sur cette maladie, bien sûr que j’avais entendu parler d’endométriose, mais jamais je n’avais pris conscience de tous ses aspects. Ça fait des années que je trouve des excuses foireuses pour éviter les week-ends dans mes périodes. Ça fait des années que j’abandonne des soirées parce que le ressenti de mes caillots qui dégringolent (pardon) est purement atroce. Ça fait des années que je souris alors que mon bas ventre est poignardé. Ça fait des années que je simule alors que mon uterus me fait mourir de douleur. Et ça, plusieurs jours après. Ça fait des années que je me réveille 3 ou 4 fois par nuit pour changer de serviette hygiénique, changer mes draps et réétendre une serviette sous mon Q serré qui espère ne pas tacher en dehors de la zone. Ça fait des années que je lutte contre une fatigue quotidienne qui me donne des trous de mémoire des fois. Ça fait des années que je passe des week-ends revroquevillée à prier qu’on m’enlève l’utérus (pardon à La Manif Pour Tous). Ça fait des années que je planque ça avec le sourire. Je continuerai après ça, ne vous inquiétez pas, mais prenez conscience de mes moments de faiblesses. De ceux des femmes qui vous entourent.
■ Je remercie particulièrement toutes ces filles qui m’ont apporté leur témoignage, leur soutien. Je me suis sentie comprise, accompagnée et vachement moins seule. Pour une nana qui déteste toute forme de groupe, c’est une surprise que de me sentir en confiance avec vous.
■ Je ne baisserais pas les armes. Mon objectif est de retrouver mon énergie, ma joie de vivre et de pouvoir vivre pleinement et je me battrais pour ça. Je n’ai pas encore toutes les clés, mais j’avance.
Je voudrais dédier ce texte à ma Maman.